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Voilà une décision fort intéressante qui vient d’être rendue dans une affaire que nous soutenions devant le Tribunal de Grande Instance de Grenoble.
Les faits de l’espèce sont simples :
Madame X a été victime d’un accident en 1982, la laissant sur un fauteuil roulant avec un taux d’incapacité de 85%.
Son handicap justifiait l’assistance d’une aide humaine, à hauteur de 16 heures quotidiennes, indemnisée à l’époque sous forme de rente viagère.
Les années passant, une atteinte arthrosique des membres supérieurs justifiait un recours accru à l’aide humaine.
Cependant, la rente s’avérait insuffisante, déjà, à financer le coût actualisé de l’aide humaine fixée 35 ans plus tôt.
Il convenait donc d’une part d’obtenir par expertise la réévaluation du besoin quotidien de tierce personne et d’autre part de discuter d’une indemnisation complémentaire en capital, la fixation d’une rente étant manifestement inadaptée à la situation.
Une fois l’aggravation constatée au cours de la réunion d’expertise, le besoin d’aide humaine était fixé à 18 heures par jour, motif pris pour l’expert que :
« L’utilisation de protections la nuit est un moyen plus sûr et plus efficace [NDLR : que la présence d’un tiers aidant aux mictions] pour ne pas être souillée ».
Premier obstacle donc : la reconnaissance d’une aide humaine permanente continue, y compris la totalité de la nuit pour les mictions.
Deuxième obstacle : l’assureur soutenait le versement du complément indemnitaire sous forme de rente.
La motivation de l’assureur et la réponse apportée sur ce point par le Tribunal dans son jugement du 29 novembre dernier sont enfermés dans l’attendu suivant :
« Attendu s’agissant de l’indemnisation postérieure au 1er juillet 2018 que les parties s’opposent sur la question de savoir si elle doit se faire en capital ou par rente; qu’à cet égard, [l’assureur] soutient que l’indemnisation sous forme de rente est plus sécurisante pour Madame X en ce que l’octroi d’un capital fige une fois pour toute la somme allouée à la victime et ne protège pas celle-ci contre sa propre prodigalité ou encore contre l’augmentation du coût des prestations; que cependant, le litige ne concerne pas l’intégralité de l’indemnisation du préjudice de Madame X mais seulement le préjudice résultant de l’aggravation constatée depuis le 28 juin 2012….. Que pour l’augmentation, l’indemnisation réclamée peut en conséquence parfaitement être versée sous forme de capital à charge pour Madame X, demanderesse au versement du dit capital, d’en faire bon usage; que Madame X peut dès lors prétendre au versement d’un capital au titre de la seule aggravation d’un montant de 1.713.572,80 €. »
L’importance du montant indemnitaire obtenu pour une aggravation de 5% de Déficit Fonctionnel Permanent (portant celui-ci à 90%) s’explique par la réponse apportée par le juge à la question du quantum quotidien d’aide humaine :
« Attendu à cet égard que dès lors qu’il est établi que Madame X nécessite l’aide d’un tiers pour les mictions déclenchées par percussion et pour les défécations, il n’est pas acceptable, dans un souci de respect de la personne humaine, de lui imposer le port de protections à raison de quatre heures par jour, Madame X devant pouvoir choisir les moments où elle souhaite effectuer ses besoins les plus élémentaires; que le respect de la dignité de la personne, sur laquelle l’expert ne s’est à juste titre pas prononcé s’agissant d’un élément de droit, justifie l’assistance d’une tierce personne 24h/24 et donc l’augmentation de 08h/jour de l’aide en tierce personne à partir du 28 juin 2012 »
La décision n’est pas nouvelle en terme de jurisprudence, mais elle a le mérite de rappeler fermement que se trouvent au cœur de la réparation intégrale des préjudices deux impératifs fondamentaux : suppléer la perte d’autonomie créée par l’accident et restaurer la dignité de la victime.
Autant d’impératifs que la victime peut, bien défendue, faire respecter par le juge, au grand damne de certains experts ou médecins conseils d’assurances.
L'auteur de cet article :
Me Hervé Gerbi, Avocat fondateur et Gérant.
Avocat à Grenoble, Maître Hervé GERBI est spécialisé en dommages et préjudices corporels, et en corporel du travail. Il est titulaire d’un diplôme de psychocriminalité (analyse criminelle).