Attention, le droit évolue vite, ce qui est vrai aujourd’hui peut ne pas être vrai demain. Les articles présentés peuvent ne pas être totalement adaptés à votre situation ou à l’état du droit. Ils reflètent l’investissement de notre cabinet auprès des victimes.
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Le gouvernement vient d’annoncer une reconnaissance de maladie professionnelle automatique pour les soignants, excluant de fait les autres professionnels qui devront franchir les obstacles administratifs nombreux pour une telle reconnaissance : non seulement la question de l’imputabilité mais encore celle du préjudice indemnisable en présence de séquelles aujourd’hui mal connues.
Pourquoi faut-il aller plus loin ?
Explications
Alors qu’au soir du 16 mars le Président de la République a répété, pas moins de 6 fois, le terme de « guerre » pour sonner la mobilisation des combattants du covid-19, pas une seule fois le mot « victime », son triste corollaire, n’aura été utilisé pour aborder la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Faute d’une prise en charge adaptée, les soldats, de la 1ère à la 3ème ligne, ont peu de possibilités d’être reconnus.
Ceux qui auraient contracté la maladie dans l’exercice de leur activité professionnelle, salariés ou fonctionnaires, devront tenter de faire admettre l’existence d’un accident du travail ou de service, au même titre que fut établi jadis comme tel, par la jurisprudence, une contamination par le VIH.
Peut-être faut-il définir par la loi une pathologie professionnelle spécifique, autonome ou intégrée aux pathologies de transmissions virales, ce qui serait de nature à faciliter la prise en charge au titre de la législation du travail.
Le gouvernement vient d’annoncer une reconnaissance de maladie professionnelle automatique pour les soignants, excluant de fait les autres professionnels qui devront franchir les obstacles administratifs nombreux pour une telle reconnaissance : non seulement la question de l’imputabilité mais encore celle du préjudice indemnisable en présence de séquelles aujourd’hui mal connues.
Les carences des employeurs à déployer les moyens de protection nécessaires aux salariés, seront des arguments possibles, pour certaines des victimes de la pandémie, permettant d’engager devant les juridictions judiciaire leur faute inexcusable, ou son équivalent devant le juge administratif.
Sans doute encore des actions de droit commun de la responsabilité pénale ou administrative seront engagées contre tous ceux qui auraient manqué, dans le cadre des politiques publiques, aux obligations générales tirées du principe de précaution.
Toutes ces voies judiciaires permettront certainement, si ce n’est d’indemniser, à tout le moins de jeter les bases d’une cindynique sanitaire moderne.
Cependant, l’usage de la métaphore guerrière oblige son auteur à envisager la sortie de cette guerre par la prise en charge générale de ses victimes.
Que fera notre République pour ses enfants endeuillés ou ses malades parfois durement touchés ?
Il est sans doute temps d’en parler, car la réparation collective est un facteur de résilience nationale.
En ce printemps si particulier qui est le nôtre, alors que chacun semble vouloir construire le jour d’après, comment ne pas rappeler que c’est l’œuvre des révolutionnaires de la Convention Nationale du 11 août 1792 qui a garanti pour la première fois « le principe de responsabilité nationale en cas de guerre ».
Dès son commencement, la loi de finance du 26 décembre 1914 consacra le principe de la réparation individuelle et intégrale des dommages subis du fait de la 1ère guerre mondiale.
Les lois des 31 mars et 17 avril 1919 ont établi les mécanismes d’indemnisation des dommages matériels et physiques subis par tous les français, civils ou militaires, en intégrant le principe d’une responsabilité sans faute de l’Etat, et d’un mécanisme de contrôle par le juge.
La loi du 28 octobre 1946, promulguée par la seconde constituante, instaura, elle aussi, les mécanismes de réparation des dommages causés par le second conflit mondial.
A chacun de ces 3 grands moments de l’histoire, à la France qui pansait ses blessures, fut apportée une réponse nationale collective et solidaire.
Depuis, l’Etat est garant de l’intégrité physique de ses ressortissants, et l’extension des mécanismes de réparation collective s’est déplacée du terrain de la guerre aux risques civils.
D’abord, des fonds d’indemnisation à vocation générale ont été créés.
En 1951, le Fonds de Garantie Automobile assure les français contre le risque lié au fort développement de ce nouvel engin de déplacement générateur chaque année de plusieurs milliers de morts et blessés.
Après la grande vague d’attentats des années 1970 / 1980, le Fonds de Garantie des actes de Terrorisme et autres Infractions (FGTI) indemnise les victimes au lieu et place de l’Etat.
En 1990, son champ sera étendu à l’indemnisation des ressortissants nationaux victimes, partout dans le monde, de faits ayant le caractère matériel de certaines infractions volontaires ou non.
Face à la croissance du risque médical, la loi instaure en 2002 un fonds, l’ONIAM, qui, sous conditions de gravité et d’anormalité, assure la prise en charge de certains accidents médicaux non fautifs.
Ensuite, les fonds d’indemnisation sont devenus plus particuliers.
Les grands dossiers de la santé publique, générateurs de catastrophes humaines, ont accouché depuis 40 ans de plusieurs mécanismes propres d’indemnisation : sang contaminé, amiante, Dépakine, Médiator…
Enfin, l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001 a permis de prendre en compte les conséquences des risques technologiques et d’étendre le champs d’intervention du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) au-delà du risque automobile.
Force est de constater que le risque épidémique qui s’est réalisé n’est aujourd’hui pris en charge par aucun mécanisme assuranciel de personnes et ne relève pas de l’état de catastrophe naturelle. Des assureurs ont décidé d’opérer des déblocages financiers pour indemniser des pertes d’exploitation, mais rien n’est proposé pour les dommages corporels. A terme de nouveaux produits d’assurances viendront peu ou prou combler ce vide, sans nécessairement être à la portée de tous.
Face à l’immense champs de reconstruction sociale et économique qui nous attend, l’Etat doit être à la hauteur des nouveaux enjeux de la garantie du risque collectif sanitaire.
Dans ce contexte, l’Etat doit garantir la réparation des dommages physiques et psychologiques liés au coronavirus et de toutes leurs conséquences, notamment économiques.
Il s’agit en effet d’apporter une réponse sociale unitaire à un phénomène d’une nature et d’une ampleur exceptionnelles.
Les risques technologiques et sanitaires se sont multipliés, ils méritent donc une réponse non plus particulière et contextuelle mais générale et pérenne.
Face aux sacrifices demandés à la population, la désillusion du jour d’après viendra de notre incapacité à nous adapter aux risques de notre temps.
La création d’un fonds de garantie et d’indemnisation des risques sanitaires et technologiques s’impose dans cette fin de crise sanitaire, car la réparation des préjudices subis contribuera à l’effort de résilience nationale nécessaire à la reconstruction économique.
Établissement public national à caractère administratif, il serait doté de la personnalité juridique, de l’autonomie financière, et placé sous la triple tutelle des Ministres de la Santé, de l’Environnement et du Budget.
Alimenté immédiatement par l’effort mutualisé des assureurs puis, à terme, par une dotation spéciale des cotisations d’assurances, et une taxation de certaines activités économiques ayant un impact sur l’environnement ou ayant trait à l’industrie de la santé, il aurait vocation à indemniser les victimes des catastrophes technologiques et sanitaires, y compris épidémiologiques, de leurs préjudices physiques, psychologiques et économiques.
Il pourrait, in fine et après indemnisation, agir par subrogation contre l’éventuel responsable du dommage sanitaire ou technologique créé.
Il pourrait, surtout, agir dès le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire par une intervention directe et rapide auprès des victimes, sous forme de provisions de nature à faire face à l’actualité du dommage.
Le temps qui s’ouvre est celui de la ré-invention politique mais aussi juridique comme instrument de politique sociale.
Cette première secousse sanitaire nous rappelle que le devoir social n’est pas seulement une obligation de conscience morale mais une obligation juridique qui s’est lentement construite sur les grandes catastrophes du passé.
Cet article a été publié sur le site Village de la Justice, première communauté française des professionnels du droit.
https://www.village-justice.com/articles/covid-maladie-professionnelle-fonds-indemnisation,34957.html
L'auteur de cet article :
Me Hervé Gerbi, Avocat fondateur et Gérant.
Avocat à Grenoble, Maître Hervé GERBI est spécialisé en dommages et préjudices corporels, et en corporel du travail. Il est titulaire d’un diplôme de psychocriminalité (analyse criminelle).