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Le 26 septembre 2005, le Conseil d’Etat, sur le fondement des articles L111-7 et L1110-4 du Code de la santé Publique, validait la transmission d’un dossier médical à un mandataire de son patient, pourvu que ce mandataire justifie de son identité et d’un mandat exprès dudit patient en ce sens (CE, N°270234).
Dans une décision en date du 18 juillet 2018, le Conseil d’Etat a validé la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un médecin qui avait transmis directement le dossier médical de son patient, décédé, à l’avocat des ayants droits de celui-ci, sur simple demande de sa part.
Il lui était reproché de ne pas avoir sollicité pour lui même, au préalable, un mandat exprès des ayants droits pour procéder à cette communication, constituant ainsi une violation du secret médical.
Cette affaire ne portait cependant pas directement sur la question de la validité du mandat par l’avocat. Elle fut néanmoins l’occasion pour le Conseil National de l’Ordre des Médecins de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) afin de savoir si des informations médicales peuvent être transmises à l’avocat de l’ayant droit d’un patient décédé, en l’absence de mandat exprès de cet ayant droit.
Dans sa décision du 24 janvier 2019, qu’il est important de reprendre in extenso, la CADA valide pleinement la transmission d’informations médicales à un avocat, en raison de la présomption qu’il tire, de par sa qualité, d’être investi d’un mandat.
Il n’a donc pas à justifier d’un mandat exprès de ses clients :
« La commission d’accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 janvier 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable à l’avocat de l’ayant droit d’un patient décédé, d’informations à caractère médical relatives à ce patient en l’absence de mandat exprès de l’ayant droit.
La commission rappelle que l’article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît, d’une part, le droit à toute personne d’accéder aux informations concernant sa santé, détenues par des professionnels ou des établissements de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. Le dernier alinéa du V de l’article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l’article L1111-7 du même code, prévoit, d’autre part, que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.
La commission précise que le Conseil d’État, dans sa décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser la personne concernée à accéder aux informations médicales relatives à sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé en recourant, dans les conditions de droit commun, à un mandataire, dès lors que ce dernier peut justifier de son identité et dispose d’un mandat exprès, c’est-à-dire dûment justifié. La commission en déduit qu’il appartient à l’administration, saisie d’une telle demande, de s’assurer tant de l’identité du mandant que, le cas échéant, de sa qualité d’ayant droit, ainsi que de la régularité du mandat.
Pour ce qui concerne toutefois la demande présentée par un avocat, la commission relève que, par une décision du 5 juin 2002 (n° 227373), le Conseil d’État a jugé qu’il résulte des dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires l’excluant dans les cas particuliers qu’elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu’ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu’ils déclarent agir pour leur compte.
Comme vous le soulignez, la commission estime de manière constante, depuis un avis n° 20081938 du 19 juin 2008, qu’il résulte de la combinaison de ces jurisprudences que, lorsqu’ils demandent à exercer pour le compte de leur client le droit d’accès aux informations médicales prévu par les articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, les avocats n’ont pas à justifier du mandat qu’ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu’ils déclarent agir pour leur compte.
La commission constate que, dans la décision du Conseil d’État du 18 juillet 2018 n° 406470 que vous citez, le médecin sanctionné par la chambre nationale disciplinaire de l’ordre des médecins avait été sollicité par les ayants droit d’une patiente décédée pour une analyse de sa prise en charge mais n’avait pas reçu de mandat exprès de leur part pour communiquer des informations médicales concernant cette patiente à un tiers, en l’espèce l’avocat desdits ayants droit. La commission relève que dans cette décision, le Conseil d’État n’a pas eu à trancher la question du mandat qui aurait ou non été donné par les ayants droit à leur avocat pour accéder aux informations médicales concernant la patiente décédée, question qui n’est à aucun moment évoquée.
La commission estime que, contrairement aux conclusions que vous semblez tirer de cette décision, le fait que le médecin ne puisse pas, sans violer le secret professionnel ni le secret médical, communiquer à un tiers, fut-il avocat, des informations médicales sans autorisation expresse de la personne ou de ses ayants-droits, ne remet pas, par lui-même, en cause la présomption légale dont bénéficie l’avocat lorsqu’il représente son client devant les administrations publiques d’agir avec l’accord de son client. Elle relève à cet égard, que les dispositions du code de la santé publique relatives à l’accès aux informations médicales ne prévoient aucune réserve quant à cette présomption dont bénéficient les avocats.
La commission estime, par suite, que cette décision n’infirme pas la doctrine de la commission selon laquelle un avocat qui formule une demande d’accès à des informations médicales concernant un patient dans le cadre des dispositions des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique, n’a pas à justifier du mandat qu’il est légalement réputé avoir reçu de son client dès lors qu’ils déclare agir pour son compte. En cas de doute sérieux, il est en revanche possible à l’administration de s’assurer auprès du client, dans le délai qui lui est imparti pour répondre à la demande de communication, que l’avocat qui la saisit agit bien à sa demande. »
CADA, conseil n° 20185934, 24 janv. 2019.
L'auteur de cet article :
Me Hervé Gerbi, Avocat fondateur et Gérant.
Avocat à Grenoble, Maître Hervé GERBI est spécialisé en dommages et préjudices corporels, et en corporel du travail. Il est titulaire d’un diplôme de psychocriminalité (analyse criminelle).